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Fév

Ces dix leçons inattendues d’un économiste du bonheur

Sus à la déprime ! Argent, travail, loisirs… Voici quelques attitudes simples qui rendent la vie plus agréable. Morceaux choisis.

A la frontière entre les sphères de la psychologie et de l’économie, de plus en plus de chercheurs s’intéressent à une question cruciale : comment s’extraire de la déprime ambiante et recouvrer le moral ? Tout le monde ne peut pas compter sur une manif de 3,7 millions de personnes pour regoûter au bonheur du « vivre-ensemble »… Voici pourtant quelques plaisirs simples de la vie qui rendent plus heureux sur le long terme. Ils sont issus du livre Heureux comme Crésus ? Leçons inattendues d’économie du bonheur (éditions Eyrolles, 2014), de Mickaël Mangot, enseignant à l’Essec, consultant en économie comportementale et en économie du bonheur.

1. Ne pas trop envier les riches

« En général, les individus exagèrent l’impact de l’argent sur le bonheur. Lara Aknin, Michael Norton et Elizabeth Dunn, chercheurs à l’université de Colombie-Britannique (Vancouver) et à Harvard, ont envoyé des questionnaires à plusieurs centaines d’Américains. Il en est ressorti une tendance très nette : les gens surestiment la force de cette relation. D’un côté, ils sous-estiment en moyenne le bonheur des ménages à tous les niveaux de revenus, hormis pour les ménages très riches. Le bien-être émotionnel individuel, soit la probabilité de ressentir des émotions positives ou celle de ne pas ressentir des émotions négatives, augmente avec le revenu du ménage jusqu’à un plafond de 75.000 dollars par an. Ensuite, l’augmentation du revenu n’a plus d’impact significatif. »

2. Ne pas laisser son beau-frère parler de son bonus

« La comparaison sociale paraît être la norme lorsqu’il s’agit d’évaluer ses revenus. Nombreuses sont les études qui montrent qu’à revenus identiques le bonheur est d’autant plus faible que les revenus des autres sont plus élevés. Les personnes qui se comparent surtout à leurs collègues sont plus heureuses que celles qui se comparent d’abord à leurs amis. Sans doute parce que les salaires des collègues contiennent en eux davantage d’informations (et d’espoir) sur les perspectives de salaire futures que les salaires d’amis éparpillés dans différentes entreprises de différents secteurs. Un petit conseil : à la période des bonus, si vous craignez que votre beau-frère banquier ait été particulièrement bien doté, ne l’invitez pas à dîner… »

3. Lire un livre plutôt que regarder la télévision

“La télévision n’est pas un loisir comme les autres. Alors que la pratique de loisirs dope généralement le bonheur, la télévision, elle, a tendance à le diminuer chez ceux qui la regardent. (…) La consommation de télévision modifie la perception qu’ont les téléspectateurs des niveaux de vie à l’intérieur de la société, en élevant les points de référence auxquels ils se comparent. Les téléspectateurs sont submergés d’images de gens plus riches qu’eux, images qui ne correspondent pas à la réalité. (…) La conséquence est que les personnes qui regardent beaucoup la télévision ont une perception erronée du revenu moyen, de leur propre place dans la distribution des revenus et des niveaux de vie, ce qui a tendance à heurter leur satisfaction.”

4. Préférer le plaisir au confort

« Vous rêvez de cette nouvelle voiture plus grande, plus spacieuse, plus luxueuse. Vous imaginez à quel point vous seriez heureux de la conduire. Pour autant, devez-vous changer de voiture ? C’est loin d’être sûr. Plusieurs études ont obtenu que l’effet sur le bonheur de l’achat de biens matériels, même durables, était très éphémère. Observez le ratio entre les dépenses mensuelles pour les « biens de confort » et les dépenses pour les « biens de plaisir ». Si les premières dépassent systématiquement les secondes, demandez-vous pourquoi vous privilégiez à ce point le confort. »

5. Rechercher les expériences

« Pour le bonheur, il existe une catégorie de biens à part, les biens dits « expérientiels ». Ce sont des biens qui ont le potentiel de procurer des expériences fortes à ceux qui les possèdent (ou, mieux dit, qui les vivent) via leurs caractéristiques intangibles : les émotions qu’ils génèrent, les rêves qu’ils évoquent, les symboles qu’ils représentent, les souvenirs qu’ils font remonter… Dans cette catégorie, on peut donc ranger les voyages, les concerts, les représentations de théâtre, les repas au restaurant (pour les gastronomes)… Les biens expérientiels favorisent davantage les relations sociales que les biens matériels, pendant leur consommation et également ensuite, lorsqu’on en parle avec d’autres personnes. »

6. Réserver un voyage longtemps à l’avance

« Repousser les plaisirs offre l’avantage d’augmenter ce que les économistes appellent « l’utilité de l’anticipation ». Une récompense agréable procure du plaisir lorsqu’on la reçoit (ou la mange), mais également avant, lorsqu’on la savoure par anticipation, et aussi après, lorsqu’on se la remémore (l’utilité du souvenir). Et il paraît vraisemblable que, pour certaines activités (par exemple, les voyages), cette utilité décalée puisse dépasser en amplitude totale l’utilité de l’expérience instantanée. C’est d’autant plus vraisemblable que l’on a tendance à anticiper les événements agréables à venir sous une forme idéalisée et, de la même manière, à se les remémorer sous un jour meilleur. »

7. Faire des dons

« L’impact positif de la générosité dépasse le seul cercle des proches. L’altruisme généralisé (à différencier de l’altruisme de proximité) est également un levier efficace pour augmenter le bonheur. Le don aux organisations caritatives a été associé aux mêmes effets positifs sur la santé psychique que les cadeaux. Faire des dons réguliers à des associations caritatives peut même paradoxalement donner la sensation de… s’enrichir ! Pour l’impression de richesse, les dollars donnés pèsent plus que les dollars gagnés. Donner 500 dollars à une association augmente l’impression de richesse autant qu’en gagner 1.600 ou 10.000 par an en revenus supplémentaires. »

8. Se remettre vite en selle

« Si le chômage est si préjudiciable au bien-être psychique, bien au-delà de la seule perte de revenus qu’il occasionne, faut-il s’évertuer à le réduire à tout prix, par exemple en autorisant les emplois très mal payés ? Très politique, la question est aussi très controversée. L’exemple allemand fournit toutefois une expérience grandeur nature qui offre des enseignements précieux au-delà des partis pris idéologiques. Les conséquences de ces réformes du marché du travail ont fait l’objet d’analyses scrupuleuses par de nombreux chercheurs en Allemagne. Et la conclusion est sans appel : pour tous les types d’emplois considérés, l’emploi précaire est associé à une satisfaction de la vie supérieure à celle que génère le chômage. »

9. Se mettre à son compte

« Pris globalement, le groupe des entrepreneurs (avec ou sans employés) semble cumuler les tares. En moyenne, ils gagnent moins que leurs semblables salariés alors qu’ils font plus d’heures par semaine. Enfin, ils ont investi une proportion significative de leur patrimoine dans leur entreprise, ce qui impose un risque sur leur épargne que ne prennent pas les salariés. Pourtant, les travailleurs indépendants et les entrepreneurs ne se plaignent pas de leur sort. Au contraire ! Dans les nombreuses études sur la satisfaction au travail, il ressort qu’ils se disent plus souvent satisfaits de leur travail que ne le font les salariés. »

10. Bien réfléchir avant d’émigrer

« Les études académiques montrent de manière unanime que les immigrés sont moins heureux que les autochtones du pays d’accueil, après contrôle par les différentes caractéristiques observables, et ce quel que soit le pays qui est étudié. Le déficit de bonheur des immigrés se transmet à leurs enfants, si bien que l’écart ne se réduit pas chez les immigrés de deuxième génération. L’écart ne diminue pas davantage quand les immigrés grimpent l’échelle sociale. Pis, il a été observé en Allemagne que c’est au sein des plus hauts revenus que le déficit de bonheur des immigrés est maximal. Différentes raisons à ce mal-être des immigrés ont été avancées et validées par les sociologues : à niveau de vie identique, les immigrés sont victimes de discriminations, ont des relations sociales moins nombreuses et moins satisfaisantes que les autochtones. »

Source : Challenges, selon Heureux comme Crésus ? Leçons inattendues d’économie du bonheur, Mickaël Mangot, éditions Eyrolles.

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