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Sep

Suis-je faite pour être boss ? Cosmopolitan, Octobre 2016

Avouez que vous y avez déjà pensé. Ne serait-ce que pour gagner en liberté ou pour que vos talents et capacités puissent s’exprimer… Or tout le monde n’est pas fait pour diriger une équipe.

Petite déjà, vous rêviez d’être déléguée de classe et aviez un don pour motiver vos équipes. Depuis, cette ambition de changer le monde, ou en tout cas, l’organisation de votre entourage ne vous a plus quittée. Et aujourd’hui, galvanisée par vos collègues qui vous considèrent comme la Khaleesi du 5ème étage, vous vous voyez déjà sur le trône de fer, à la place du type vif comme de l’eau de vaisselle qui vous sert de N+1. Pourtant, si en France, le fait d’évoluer dans sa carrière implique souvent de prendre un poste à responsabilités, et donc des fonctions managériales, tout le monde n’a pas la fibre d’un bon leader. Cela n’a rien à voir avec les aptitudes personnelles et professionnelles, mais avec les compétences très spécifiques que le management requiert, que l’on encadre deux personnes ou deux cents. Cosmo a recueilli les confessions de managers épanouis, mitigés ou repentis.

Pourquoi je veux devenir manager ?

Bien diriger les autres, c’est d’abord se connaître soi-même, afin d’évaluer ses motivations profondes et ses capacités. Or un excellent salarié ne fait pas nécessairement un bon manager… comme l’apprennent parfois un peu tard celles qui ont saisi une opportunité, sans réfléchir aux conséquences de leur choix sur leur propre travail, et celui de leur équipe : « J’ai fait un stage au département formation de la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) de ma région, et je ne l’ai jamais quittée, raconte Marlène, 33 ans. En douze ans, j’ai gravi tous les échelons, alors, quand la directrice est partie à la retraite, j’ai « naturellement » accepté le poste que l’on m’a « naturellement » proposé, en me réjouissant de voir mon salaire augmenter, et de pouvoir distribuer de nouvelles cartes de visite marquées « directrice ». J’ai mis un peu moins de deux mois à déchanter et à démissionner : organiser le travail des autres, avoir un avis sur tout, multiplier les réunions avec les grands patrons… J’arrivais au bureau avec un boulet au ventre, tellement ce job m’angoissait. L’expérience a eu toutefois le mérite de me faire prendre conscience de ce que j’aimais vraiment faire : si le travail d’équipe me plaît, je n’ai pas l’âme d’un leader et je préfère faire mon boulot dans mon coin. »

Est-ce que j’aime vraiment mon métier ?

Lorsqu’on lui demande ce qui distingue un bon manager d’un mauvais, le chef d’entreprise Jean-Luc Hudry, par ailleurs coach en management et auteur de « Devenez un leader irrésistible » (éd. Maxima), répond spontanément : « Un bon chef aime ce qu’il fait, par tous les temps, même les plus perturbés ». Cela paraît évident mais ça ne l’est pas pour tout le monde : il est difficile de motiver son équipe lorsqu’on n’aime pas vraiment ce que l’on fait. Fanny, 36 ans, directrice d’un hôtel d’une grande chaîne internationale, le confirme : « J’ai fait des études d’arts du spectacle, j’ai organisé des festivals de musique en Inde, en Champagne… C’était ça le métier de mes rêves. Et c’est comme ça que j’ai rencontré le père de ma fille – un artiste fauché, qui refusait de sacrifier son talent pour gagner de quoi payer le loyer. Alors c’est moi qui m’y suis collée : il y a six ans j’ai commencé à travailler par hasard dans un hôtel. Le job n’était pas déplaisant et il faut croire que je suis assez douée pour qu’un grand groupe m’ait débauchée afin que je dirige un nouvel hôtel à Reims. Aujourd’hui j’encadre une trentaine de personnes, je gagne très bien ma vie, mais suis-je vraiment heureuse dans mon métier ? Non, même si je ne suis pas malheureuse non plus. Et je pense que je serais une meilleure boss si l’hôtellerie m’intéressait autant que le spectacle vivant ». La foi ne se commande pas. Mais à défaut d’être une vocation, autant que le management ne devienne pas un sacerdoce auquel on consacrera une bonne cinquantaine d’heures par semaine…

Suis-je prête à faire des sacrifices ?

Hein, quoi, 50 heures, tant que ça ?! « Pas moins !, sourit Eve, 34 ans, directrice d’une agence de communication à Lille. J’adore ce que je fais et je ne me vois pas redevenir salariée. J’ai choisi d’être boss. Forcément ma vie sociale en a pris un coup : mes copines, dont certaines sont encore célibataires, n’ont pas les mêmes contraintes que moi et ne pensent même plus à m’appeler lorsqu’elles sortent. Je fais la fête par procuration, via Facebook. Et quand parfois j’arrive à voler une heure à mes obligations et à mon boulot pour faire un truc pour moi, j’ai l’impression de découcher ! » Moins de temps pour soi et pour ses proches qui ne comprennent pas toujours nos choix : c’est l’amère expérience qu’a faite Federica, lorsqu’elle a été promue chef de son service chez Nexity : « J’ai toujours bossé comme une brute, dans un secteur qui me passionne (l’immobilier). Personne ici ne conteste que j’ai mérité ma promotion. Sauf que du jour au lendemain je suis devenue la boss de collègues en âge d’être mes parents et dont j’avais été la stagiaire. Mon nouveau statut a suscité des jalousies, et m’a coupée des filles que je considérais comme mes copines : les déjeuners cancans, le yoga avec celle qui est devenue mon assistante, les apéros à la sortie du bureau, c’est terminé. Et ça me manque. « Qu’on le veuille ou non, le statut de chef isole : le fait de mélanger pro et perso au travail est dix fois plus risqué lorsqu’on devient boss…

Ai-je assez d’empathie ?

Tous les dirigeants que nous avons rencontrés, épanouis ou repentis, sont unanimes sur ce point : pas de management sans une empathie qui confine parfois à l’abnégation. Patrick Errard, auteur de « La philosophie au secours du management » (éd. Odile Jacob), le confirme : « Consacrer aux autres une partie importante de son temps de travail, passer du « je » au « nous » est contre-nature. C’est la raison pour laquelle le management s’accompagne souvent d’une formation. Mais pour être capable de s’occuper des problèmes des autres, mieux vaut avant tout avoir réglé les siens. » Contrôler ses émotions tout en restant bienveillante, mettre de côté ses sentiments mais s’intéresser à chacun pour trouver en eux les ressorts qui donnent du sens à leur travail, être ni trop permissive ni trop autoritaire, à l’écoute, attentive aux besoins de tous, se mettre à leur place et s’adapter au mode de fonctionnement de chacun (eh oui tout ça !)… n’est pas donné à toute aspirante manager, si douée soit-elle : « J’adore le contact humain, et j’ai un super relationnel, confie cette ex-dirigeante d’un salon de coiffure. Mais les tics, les manies et les émotions des gens, qui m’attendrissent et constituent la matière première de mon travail, me sont devenus insupportables lorsqu’ils ont fini par constituer 80% de mon job ! Régler les conflits, arrondir les angles, consoler l’un, motiver l’autre, ménager la chèvre, le chou et le propriétaire du pré… douze heures par jour, et recommencer le lendemain, sans que personne ne vous dise merci, c’est un coup à devenir misanthrope ! » Jean-Luc Hudry prévient : « Un bon manager aime les gens de manière inconditionnelle, un peu comme un parent, sans attendre de reconnaissance en retour. On ne devient pas chef pour être aimé sans quoi on va au-devant de cruelles déceptions. Même les meilleurs boss sont critiqués, c’est la fonction qui veut ça. » Paranoïaques, passez votre chemin – ou allez muscler votre ego d’abord.

Comment je gère la pression ?

Le stress, la critique et l’échec font partie intégrante de la vie professionnelle… Jean-Luc Hudry estime qu’un bon manager accepte l’échec et sait en tirer profit : « L’échec prépare la victoire, qui rapproche de l’échec. Le succès au sein d’une entreprise est un cycle, on ne peut pas être au top tout le temps, sinon le top cesse de l’être pour devenir la norme, et maintenir le niveau est aussi épuisant qu’illusoire. C’est pourquoi un manager inspirant ne s’affole pas face à l’échec, pas plus qu’il ne s’emballe devant le succès. » Julie, ex-responsable de la régie publicitaire au sein d’un grand groupe de presse, aujourd’hui directrice de sa propre agence de communication digitale, le confirme : « J’ai appris le management sur le tas, en prenant le contre-exemple du système de direction anarchique qui prévalait dans mon ancienne boîte. Mon passé de sportive m’a aidée : avoir l’esprit d’équipe même dans l’adversité, ne pas chercher les coupables, se mettre soi-même en question pour progresser… Garder son sang-froid même en cas de pression est essentiel pour conserver le cap et rassurer les équipes : le stress du manager est communicatif et contre-productif. » Avis aux Drama Queens qui confondent « imprévu » et « apocalypse » !

Est-ce que je sais m’entourer ?

Une idée reçue veut qu’un chef soit sûr de lui pour pouvoir imposer son point de vue et faire avancer le travail de toute l’équipe. Rien n’est plus faux, selon les spécialistes du management : « Il ne faut pas confondre certitudes et autoritarisme, nuance Patrick Errard. Qu’un chef soit engagé dans sa vision, c’est bien – c’est même primordial – mais il est normal et sain qu’il doute. Lorsqu’on occupe un poste à responsabilités, on ne peut pas faire reposer sa décision uniquement sur ses propres convictions ! Il est essentiel de choisir des collaborateurs complémentaires, aux idées et regards différents, qui sauront nous challenger. » Régis Pennel, qui a fondé l’e-concept store de mode L’Exception il y a cinq ans, après avoir travaillé sept ans au département marketing de Céline, le confirme : « Pour moi, un bon manager a conscience de ses défauts et cherche des profils qui les pallient : je suis aussi peu organisé que perfectionniste, j’avais besoin de quelqu’un comme Maeva, mon bras droit, pour structurer l’équipe, prendre des décisions quand j’hésite, et me taper – métaphoriquement – sur les doigts lorsque je veux tout changer à la dernière minute. Je ne considère pas ses talents comme une menace, mais au contraire comme un moyen de faire progresser l’entreprise. » « Etre boss, confirme Jean-Luc Hudry, c’est enfin avoir le sens de l’équilibre, pour évoluer sans vaciller sur le fil tendu entre l’humilité et l’assurance. » Bref, c’est du boulot !

6 CONSEILS AUX BOSS DEBUTANTES

« INSTAUREZ UNE RELATION DE CONFIANCE AVEC VOTRE EQUIPE et pour cela, soyez cohérente avec vos affirmations et vos promesses : faites ce que vous dites et dites ce que vous faites. » Jean-Luc Hudry, coach en management.

« SOYEZ A L’ECOUTE ET OUVERTE AU DIALOGUE : pour progresser à titre individuel et professionnel, il faut savoir entendre les observations, voire les critiques qui émanent de la base. » Eve, directrice de l’agence Oxygen.

« METTEZ-VOUS A LA PLACE DE VOS COLLABORATEURS : aimeriez-vous être managée par vous ? Sincèrement ? Non mais sincèrement ? Faites votre autocritique de façon neutre. » Fanny, responsable d’un hôtel à Reims.

« EN QUEL BOSS AURIEZ-VOUS LE PLUS CONFIANCE ? Celui qui se fie à son instinct pour traverser la jungle ou celui qui se fie à son GPS ? » Régis Pennel, fondateur et directeur de lexception.com.

« SOYEZ LA MEILLEURE DANS VOTRE DOMAINE, cultivez vos réseaux. Un bon manager doit se sentir légitime pour prendre de bonnes décisions. » Julie Dardour, fondatrice et directrice de l’agence de content marketing Ligne 26.

« N’OUBLIEZ PAS VOTRE VIE PRIVEE, quand bien même votre job vous passionne. » Federica, chef de service chez Nexity.

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